ATHLÉTISME FRANCE SAINT-LOUIS L'UNION DU SPORT EXCLUSIF
Lundi 11 août 2014
Peur de l'inconnu ? Pas pour Nicolas Naas ! Avant de se lancer dans l'athlétisme, le demi-fondeur du Saint-Louis Running Club a fait ses débuts dans un sport qui n'avait rien, mais alors vraiment rien à voir avec son sport actuel : le rugby... Cela ne paraît pas étonnant, venant de quelqu'un qui vit au jour le jour. C'est au centre sportif du Pfaffenholz, situé à deux pas de la Suisse, que Nicolas Naas accepte de rencontrer L'Union du Sport. Dans le cadre d'une interview exclusive, il revient notamment sur ses championnats du Haut-Rhin 2013, sur sa stratégie de course et sur son année 2014, qui a été un véritable flop...
SAINT-LOUIS (France), 11 août 2014. - Séance d'entraînement collective sur la piste d'athlétisme du Pfaffenholz. (Selfie Michael Gherardi/ L'Union du Sport)
L'UNION DU SPORT Nicolas, tu es athlète au Saint-Louis Running Club. Quand et pourquoi t'es-tu mis à courir ?
Je me suis mis à courir en 2011. J'ai fait du rugby avant et je me suis inscrit dans un club d'athlétisme à Saint-Louis, en pensant que ça pourrait toujours me faire progresser au rugby. J'avais
envie de gagner de l'endurance et de la vitesse. Je me suis dit que c'est un sport sympa, qui permet de penser à autre chose. J'ai commencé seul, par des footings. C'est par la suite que je me
suis inscrit dans un club. Après, le destin a fait que j'ai changé de sport.
Tes spécialités sont le cross et le 1 500 m. Quel est le charme de chacune de ces deux épreuves ?
Je ne ferais pas du cross une de mes spécialités, même si j'apprécie énormément cette discipline. En tant que demi-fondeur, je dois passer par là, parce que ça me fait une grosse endurance. De
plus, ça me fait travailler ma vitesse, pour être plus rapide l'été. Personnellement, je trouve le cross sympa, parce que c'est dans la nature. C'est un esprit plutôt familial, pas très axé sur
le chrono. Pour ce qu'il en est du 1 500 m, c'est complètement différent. Je fais de la piste, car j'aime m'entraîner, et parce que j'aime faire des chronos.
Préfères-tu courir dans la nature ou sur une piste ?
Je fais mes footings souvent dans la nature. J'aime bien être dans la forêt, le rythme change et ça grimpe. Il faut bien sûr aussi que je m'entraîne sur la piste, pour faire du travail de
spécialité et du travail de vitesse. Maintenant, je préfère largement la nature, qui est beaucoup plus jolie. Une piste, à part tourner en rond, il n'y a pas grand-chose à faire. (rires)
Généralement, en hiver, tu participes à de divers cross. Est-ce que ces cross te servent de préparation aux courses de demi-fond ?
Oui. Les cross me servent avant tout de ça. À partir de décembre et jusqu'en février, les courses sur route sont très rares. Je fais du cross parce qu'il n'y a rien d'autre. Après, il faut aimer
le cross. Beaucoup d'athlètes disent que ça casse les articulations, ce qui n'est pas complètement faux. C'est vrai qu'après une course de ce style, j'ai souvent mal. Le fait de disputer trop de
cross en hiver peut être regrettable derrière. En été, par exemple, j'ai souvent des petits pépins physiques qui ne me permettent pas de m'exprimer à 100 %.
Parlons un peu du 1 500 m à présent. Comment se sont déroulés tes derniers championnats de France sur cette distance ?
Alors cette année, je n'y étais pas. Je n'ai pas été bon sur toute la saison et je ne le méritais pas. D'année en année, le niveau augmente. Les exigences sont rudes, on est qualifié au temps.
J'ai mis ma saison en l'air dans ma préparation, à cause d'une erreur de stratégie. J'ai voulu essayer quelque chose de « révolutionnaire », et au final je l'ai payé avec la non qualification
pour les championnats de France.
En 2013, tu as remporté le 1 500 m junior des championnats du Haut-Rhin, avec un chrono de 4'34"43. Comment était ton état de forme ce jour-là ?
C'était à domicile, à Saint-Louis. Il y a quelques amis et quelques personnes de mon club qui sont venus m'encourager. Je ne me sentais pas très bien avant la course. Au fur et à mesure du
footing d'échauffement, ça commençait à aller bien. J'ai commencé à faire quelques exercices, du style « pas chassés » et « montées de genoux. » Derrière, j'ai chaussé les pointes, je me suis
concentré. J'ai vu qu'il y a une belle « start list », avec de beaux concurrents. Pendant la course, j'ai essayé d'accrocher le wagon de tête, ce qui m'a souri. J'étais champion. Voilà, c'était
sympa comme expérience, et ça m'a donné de la confiance pour le reste de la saison, qui d'ailleurs était très bonne. (Nicolas Naas parle de sa saison 2013, ndlr)
Préfères-tu imposer ton rythme de course ou rester dans le reflet de tes concurrents ?
Je suis un coureur qui lors d'une course, reste essentiellement dans le « paquet. » Quand ça accélère en groupe, on s'essouffle moins à l'arrière qu'à l'avant de la course. Devant, on est « seul
contre tous. » Je préfère attendre que le rythme s'élève et si je peux faire quelque chose, d'abord je suis. Maintenant, ça se joue dans le dernier tiers, dans le dernier quart, voir sur les
derniers mètres.
Lors d'une course : à quel moment sens-tu qu'il faut attaquer ?
Bonne question. (rires) Généralement, je fais au moins la moitié de la course avec le peloton ou avec la tête de la course, si j'arrive à la suivre. Je ne vais pas partir seul à l'aventure en me
disant « je suis le meilleur. » J'observe l'état de forme de mes concurrents. Vers la moitié ou à partir du dernier tiers, si les concurrents peuvent accélérer, ils vont accélérer. Il y a aussi
quelques coureurs qui attendent les 100-150 derniers mètres pour lancer un sprint, parce qu'ils savent qu'ils ont un gros finish et une grosse pointe de vitesse. Moi, je suis et j'accélère dans
le dernier tiers. Et si j'ai encore un peu de jus, je remets une couche dans les 100-150 derniers mètres, parce que je sais que mon finish n'est pas mauvais.
As-tu déjà eu un point de côté lors d'une course ? Si oui, comment le gères-tu ?
J'en ai déjà eu en course, j'en ai même déjà eu un à l'échauffement. (rires) Ça m'est arrivé cette année, sur le 2 km de Rosenau. Je voulais vraiment faire un bon chrono, parce que ça fait trois
ans de suite que je suis sur le podium, mais je ne l'ai jamais gagné. Je m’étais mis trop de pression. Je n'avais pas assez bu et je m'étais mal alimenté, ce qui a fait que j'avais un petit point
de côté dès l'échauffement. J'ai donc beaucoup bu, et j'ai ralenti l'échauffement. Juste avant la course, je ne me sentais pas trop mal, mais pas très bien non plus. J'ai tenté de suivre, mais il
y avait trois hommes qui étaient beaucoup plus forts que moi.
Tu as certainement déjà connu ce moment où tu es à bout de souffle, où tu n'en peux plus. Qu'est- ce qu'il te motive à terminer chaque course ?
Je pense aux sacrifices et aux entraînements très intensifs. Avant d'aborder une course, je fournis un énorme travail. Sur un 1 500 m, si ça attaque dans les 600-500 derniers mètres et qu'on
n'arrive pas à suivre, le dernier tour est très long et très dur. Dans des moments pareils, on est dans sa course, mais on décroche. Je me motive comme je peux. Je pense aux personnes que j'aime,
aux personnes qui me soutiennent, au coach.
La clé du succès : le travail. (Photo personnelle de Nicolas Naas)
Cette année, tu as testé une nouvelle formule. Tu n'as fait aucun cross, cependant tu as travaillé sur ta vitesse, ta technique, et ta musculation. Comment as-tu ressentit ces changements par rapport à l'année 2013 ?
C'était une simple catastrophe. (rires) On me disait souvent que j'ai une longue et une belle foulée, mais que je ne pourrai pas avancer plus vite tant que je ne me muscle pas et tant que je ne
me gaine pas. Cette année, j'ai donc fait beaucoup de gainages, mais également beaucoup de PPG (préparation physique générale, ndlr) et beaucoup de PPS (préparation physique spécifique, ndlr).
J'ai gagné du muscle et de la puissance, mais il me manquait de la caisse derrière et je n'avançais plus. J'ai couru un 6 km au mois de mars, au troisième km j'étais déjà cuit. C'est une formule
qui ne marche pas et que je ne réitérerai pas.
Tu t'entraînes avec Samir Baala, double champion de France de Marathon. Te donnes-t-il envie de faire toi-même du marathon ?
Samir est licencié à Saint-Louis, mais il habite à Strasbourg. Il vient très rarement à l'entraînement chez nous, une ou deux fois par an. L'année dernière, il était venu à un entraînement, mais
il avait déjà fait sa séance le matin, donc il n'avait pas couru avec nous. Je le vois des fois sur certaines courses, on parle deux, trois mots, mais on en reste là. Après, Samir Baala c'est un
autre type de coureur. Il a le physique d'un coureur de fond, étant beaucoup plus grand et beaucoup plus fin que moi. Peut-être qu'avec l'âge, j'irai sur du plus long. J'ai toujours dit à mon
père en rigolant qu'un jour on fera un marathon ensemble. Mais dans tous les cas, ce n'est pas dans l'immédiat. (rires)
Un de tes grands rêves sportifs serait de participer un jour au triathlon de l'Ironman. Où dois-tu encore progresser ?
L'Ironman, c'est très long. Il faut avoir une une sacrée caisse physique, parce que c'est un peu plus de trois km à la nage, c'est cent quatre-vingts km en vélo, et derrière il faut finir par un
marathon. Je connais quelques personnes qui l'ont fait. Ils m'ont tous rapportés un excellent souvenir, même si c'est une souffrance vraiment très dure. Je fais beaucoup de vélo pour compléter
mon entraînement, ça me permet de gagner de la résistance. Mais j'en fais également pour le plaisir et pour la récupération. Je dois avouer que je ne nage pas très bien. (rires) S'il y a un
domaine où je devrai encore progresser, ça serait la nage. Je pense que l'Ironman, ce n'est pas pour toute suite, et de loin pas. Mais pourquoi pas un jour, si je me sens bien et si je n'ai pas
de pépins physiques.
Où te vois-tu dans quelques années ?
Je sais que je ne vais pas vivre du sport, c'est une passion. Il ne faut jamais oublier que le sport doit rester un plaisir, que ça ne doit pas gâcher notre vie, même s'il faut des fois faire de
petits sacrifices sur sa famille et sur ses amis. Il faut trouver l'envie en hiver de faire une séance de fractionné pour préparer les cross, après 8-9 heures de cours et alors qu'on a encore des
devoirs. Ce n'est pas toujours facile. Je vais commencer mes études en septembre et on verra où j'atterris par la suite. Mon avenir ne dépend pas que de moi. Ça dépend si j'ai une opportunité
d'aller loin, mais ça dépend aussi si j'ai une copine, qui vit à l'autre bout du monde. Je rêve d'aller loin et j'ai envie d'aller loin. Vivre dans des pays comme le Canada, l'Australie ou encore
l'Angleterre, me plairait bien.
Est-ce que ça ne t’intéresserait pas de suivre un parcours « sport-étude » ?
Non, clairement. Il faut être bon à l'école, il faut avoir de bonnes notes, et il faut pouvoir s'entraîner tous les jours. De plus, on est sous la houlette d'un directeur technique régional ou
national. Il faut avoir un très bon niveau pour avoir des chances d'entrer en pôle espoir. Pour le rugby, j'en ai rêvé. Pour l'athlétisme, je n'y pensais même pas. Je suis bien comme je
m'entraîne actuellement. Je m'entraîne assez librement, même si j'ai un plan assez structuré. J'ai une bonne cohésion avec mes deux coachs, c'est l'essentiel.
Le cross et le 1 500 m sont des catégories assez individuelles. Pourquoi est-ce important de s'entraîner en équipe quand même ?
S'entraîner en équipe m'aide à me surpasser. Lorsqu'on est seul et qu'on a mal, c'est dur. À plusieurs, on se tire les uns les autres et chacun prend des relais. C'est vrai que l'athlétisme est
un sport hyper individuel. J'ai fait plusieurs sports collectifs avant l'athlétisme et je dois dire que cet esprit d'équipe me manque énormément, surtout lors de meetings, parce qu'on passe
l'après-midi seul. Psychologiquement, ça fait toujours du bien d'avoir le soutien d'un groupe derrière soi.
Tu reçois des prix de la part de certains magasins, comme des articles Nike par exemple. Comment se sont mis en place ces partenariats ?
Je ne reçois pas forcément du Nike, c'est juste que j'ai certains prix chez Nike. Ma petite histoire avec Nike, c'est que j'ai commencé à courir avec des Asics. Je me sentais bien dedans et il
faut dire que c'était une marque très populaire en course à pied, avant l'explosion de Nike. J'ai aussi couru avec des Adidas, mais comme pour les Asics, je trouvais la semelle trop dure. En plus
de ça, mon pied était vachement compressé dedans, vu que j'ai un pied large. J'ai donc une fois essayé Nike, et pour les pieds larges, c'est excellent et l'amorti est très bon. Un ami à moi a des
bons prix chez Nike, et donc je m'arrange pour faire mes emplettes au Nike Store à Mulhouse. Après, il faut connaître les bonnes personnes et avoir de bons contacts.
As-tu une idole ?
« Idole », c'est un grand mot. Il y a des sportifs que je trouve très fort. Je n'aimerais pas être à leur place, mais j'aimerais bien avoir leur talent, leur potentiel, et leur niveau. Je pense à
Pierre-Ambroise Bosse sur 800 m, qui est encore jeune, et qui a seulement trois ans de plus que moi. Sur le 5 000 et le 10 000 m, Mo Farah m'impressionne beaucoup. On a l'impression que personne
ne peut l'arrêter, qu'il peut placer son accélération quand il veut et que personne ne pourra lui répondre. Je n'oublie pas Renaud Lavillenie aussi à la perche. Il est notre recordman du monde et
il m'inspire vraiment. Il y a aussi des sprinteurs comme Usain Bolt, qui fait le pitre avant chaque course. Il fait le show et on pense que c'est facile pour lui, mais à l'entraînement, il fait
aussi énormément de sacrifices et il travaille beaucoup.
Sur les 12 derniers championnats du monde, c'est-à-dire depuis 1991, 25 médailles sur 36 ont été remporté par des Kényans sur 3 000 m steeple. Comment peut-on expliquer cette dominance
?
Je pense tout simplement que les Kényans et les Éthiopiens dominent la planète à partir du 1 500 m, voir à partir du 800 m. Je ne sais pas à quoi c'est dû. Je ne sais vraiment pas, mais si on
pouvait le savoir, ce serait bien. Ce sont des personnes qui s'entraînent dans des conditions rudes, avec des pistes qui sont souvent dans de mauvais états. Au niveau de leur physique et au
niveau de leur corpulence, ils sont souvent plus fins que les Européens. (pensif) Ça doit se jouer dans les gênes. Les Kényans et les Éthiopiens, c'est très très fort.
Faisons encore un petit point sur les championnats d'Europe d'athlétisme qui débutent demain à Zürich. Y-a-t-il une épreuve ou un athlète que tu vas suivre particulièrement ?
Étant demi-fondeur, je vais bien évidemment suivre le 800, le 1 500, et le 3 000 m steeple. Je vais vraiment suivre ces championnats d'Europe en général, pas seulement l'équipe de France. Il y
aura bien sûr des courses où je serais un peu plus dans l'analyse et dans la critique, parce que je m'y connais. Sur le 800 m, j'espère que Sofiane Selmouni arrivera en finale. Je le suis très
attentivement sur les réseaux sociaux. Il a commencé l'athlétisme il y a cinq ans à peine et c'est sa première sélection en équipe de France. Ces championnats d'Europe sont comme un conte de fées
pour lui. Par contre, j'arrive un peu moins à me passionner pour les jets, mais j'essaierai quand même de suivre ces épreuves, parce que ça reste de l'athlétisme. On est tous dans la même galère
et on doit tous s'entraîner beaucoup. Il faut avoir le respect de tout le monde : que ce soit le sportif amateur ou le sportif professionnel.
MICHAEL GHERARDI
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